Les brumes du Rajasthan

 Nous avions décidé de rattraper le retard imposé la veille par les caprices du ciel. Lever à cinq heures bien avant le lever du soleil. Décollage prévu aux premières lueurs du jour pour tenter de rallier Karachi  via Ahmedabad, notre porte de sortie de l’Inde. Tout était fin prêt mais le brouillard épais s’en est mêlé. Visibilité nulle. Restait donc à patienter, des heures durant, sur le tarmac de Jaipur… Tenter de récupérer çà et là quelques précieuses minutes de sommeil évaporées dans les brumes du Rajasthan. Pour Pierrot, le cockpit fera l’affaire ; Cockpit très vite squatté par un moineau venu curieusement s’installer aux commandes de nos « oiseaux ». Chacun tue le temps à sa façon : pour ma part j’immortalise le petit porte-bonheur à plume que m’a confectionné mon fils Victor… Après sept interminables heures d’attentes, nous décollons de Jaipur, enfin ! Nous savons désormais qu’il nous sera impossible de rallier le Pakistan. Nous ferons donc étape à Ahmedabad. Un début de vol au dessus de la couche de nuages puis le ciel qui s’ouvre et qui laisse entrevoir l’Inde dans ce qu’elle a de plus majestueux : De longs rubans colorés de textiles s’étalent au sol, de petites taches vermillons, turquoises et violettes ornent les cultures, de petits temples hindous tapis à l’ombre des arbres, un troupeau de chameaux, un splendide palais juché sur une colline, le vol est de toute beauté. Je le partage avec Jean-Claude ; Pierre avec Olivier, Jean et Alex voltigeant seul. 285 nautiques parcourus en 3 heures 35 minutes avec un vent de face constant…  Quelques fleuves asséchés et de très beaux reliefs nous guident jusqu’à destination. Il est près de 16 heures et cette longue journée ne fait que commencer.  Imaginez : il nous faudra plus de quatre heures de palabres pour quitter l’aéroport d’Ahmedabad.  Jean Pen déploie une nouvelle-fois des trésors de patience. Cela discute à l’immigration, cela discute à la Tour, cela dispute aux douanes… Il est 20 heures et nous sommes toujours « prisonniers » d’un chef douanier zélé. Il se nomme Prakhar Jaiswal ; regard narquois derrière de large montures façon « Jaruzelski ». Le petit « petit chef »  s’est mis en tête de nous faire payer des taxes dignes de Boeing 777. Coups de fil après coups de fil finiront par lasser cet étonnant personnage qui, histoire de ne pas perdre la face, retournera tout de même dans l’obscurité de la nuit pour nous faire sceller les ULM avec … du papier et de la colle ! Bureaucratie quand tu nous tiens… Vanné, lessivé,  esquinté mais debout, il nous reste à trouver le sommeil dans  un hôtel  de la ville et à chasser quelques idées noires dans les brumes impénétrables du Rajasthan.